Sophie, marquise de
R.
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Bises libertines,
Sophie
Je ne suis pas certain d'avoir décidé quoi que ce soit. Je me suis retrouvé hors de la bouche du métro à suivre cette inconnue sans m'en apercevoir. Malgré les odeurs âcres du métro et le souffle lourd de la ville en ce début d'été et la nécessité absolue d'aller travailler à l'agence, j'avais suivi cette femme. Je suivais ses jambes finement gainées et ses hanches apaisantes sans me poser plus de questions. Le son de ses talons aiguilles était une torture si attirante que rien ne comptait plus.
A deux ou trois reprises, elle s'était retournée, comme pour me chercher ou vérifier que la laisse qu'elle savait tenir n'avait pas cédé, et que j'étais toujours à sa suite. Comme soumis à son parfum, à la soie de ses bas, au creux de ses reins.
Rue de Rivoli, il a bien fallu que je me rende à l'évidence. J'avais perdu sa trace. Déçu que mon rêve de la nuit ne se reproduise pas, je poursuivais contraint et forcé ma route pour l'agence, où je n'avais décidément plus envie de me rendre.
Bien sûr, lorsque j'arrivais au bureau, je n'avais pas la tête au travail, et les saluts enthousiastes de collègues avaient peine à me ramener à la réalité. Avant ma première entrevue avec ma patronne, se remettre les idées en place. Lire mes mails. Griffonner vite fait un projet oiseux pour elle. Je n'avais encore jamais eu à faire à elle et j'avais su très tôt que je lui avais été imposé pendant ses congés. A son retour, elle n'avait même pas pris la peine de me recevoir. Froide et distante, c'est le portrait que toutes et tous ici m'avaient fait d'elle.
Une fois seulement au téléphone, pour me fixer ce rendez-vous, d'une voix distante et dominatrice. Comme me le disait mon collègue de bureau, elle me mettait la pression.
Pendant les premières semaines, je m'étais donc fait d'elle un portrait peu enthousiaste, et j'avais tenté pour me moquer de son attitude de la représenter en maîtresse dominatrice.
J'étais en retard déjà lorsque mon téléphone sonna pour me rappeler aux obligations de cet entretien.
Episode n°6
Je traversai les immenses plateaux que formaient les bureaux en essayant de me la représenter. J'hésitais entre l'image de l'institutrice acariâtre et la matrone revêche du pensionnat qui avait tenté de gâcher mon adolescence en réprimant mes rêveries. Je ne me rendais pas à l'abattoir mais mon cœur battait aussi fort que si le boucher m'attendait le couteau à la main.
Au fond à droite se trouvait son bureau. La porte était ouverte à moitié. Elle devait ainsi pouvoir surveiller d'un œil comme la reine son royaume, ses troupes à l'ouvrage.
Je m'approchai et frappai à la porte. Pas de réponse. Je glissai un regard discret mais curieux dans ce bureau toujours inconnu, pour m'assurer de son absence, tout heureux à l'idée de remettre à plus tard notre entrevue.
On apercevait d'abord un grand bureau au plateau de verre et un grand fauteuil de cuir noir terriblement masculin. Poursuivant ma rapide inspection, je repérai un petit coin de paradis derrière la grande baie vitrée. Un jardin d'hiver aménagé sur le balcon et certainement destiné à la réception de nos meilleurs clients. Au repos de la guerrière aussi.
Ce n'est qu'après que je vis le canapé de cuir blanc sur lequel elle était installée.
« Alors! Vous entrez ou pas ? C'est vous le nouveau ? Approchez et déposez ici votre travail... »
Le ton était sec mais pas cassant. J'aurais pu même sentir un peu de douceur dans sa voix si elle avait daigné lever le regard de son dossier et me regarder.
Brune, la trentaine, de petites lunettes et un tailleur sombre. Mais ce qui m'obséda immédiatement ce sont ses jambes gainées dans de fins bas de soie noire. Je reconnu alors mon inconnue du métro... J'avais craint bien sûr qu'à son tour elle ne prenne mal mes regards appuyés dans la rame de métro, et ma filature avortée de ce matin.
Pourtant, lorsqu'elle me dévisagea, elle ne pu réprimer un sourire. Le son doux et chaud que firent ses bas en décroisant les jambes finit de me rassurer tout à fait.
Je m'installai dans le fauteuil face à elle. Une table basse encombrée d'autres dossiers nous séparait, que j'aurais franchie avec délice.
Episode n°7
Notre conversation s'engagea.
« Vous m'avez été imposé par le grand patron du groupe, et je vous le dis tout net, je ne vous attendais pas. Je n'ai même pas besoin de vous et je n'ai aucune mission à vous confier ! »
J'étais fixé.
« Le dossier que je vous ai demandé de préparer, placez-le sur cette table, je le lirai quand j'aurais le temps. »
Je m'exécutai comme un bon soldat effrayé soudain à l'idée de la contrarier. Le ton était toujours aussi sec, cependant, il avait quelque chose de sur-joué, comme si elle tenait de s'affirmer dans sa fonction de cette manière.
« Et bien ? Qu'attendez-vous ? Vous pouvez y aller ! »
Je me levai et tournai les talons, soulagé que l'instant se termine enfin.
Je remarquai dans un reflet de la baie vitrée qu'elle ne m'avait pas quitté des yeux, et même qu'elle me détaillait avec suffisamment d'insistance pour que j'en sois troublé. Devais-je réagir à son attitude, ou bien me laisser faire et lui prouver par mon travail et ma créativité que je deviendrais précieux pour l'agence ?
J'étais dans ces réflexions lorsqu'elle me retint.
« Jeune homme ! Rapportez-moi un café ! »
Elle avait décidé à l'instant de mes nouvelles attributions. Sans broncher ou me plaindre, je filais vers le percolateur de la salle de réunion.
Lorsque je fus de retour dans son bureau, elle était dressée devant moi, jambes tendues légèrement écartées, les mains sur les hanches, sévère et follement excitante.
Elle observa tous mes gestes quand je posais la petite tasse sur la table basse.
« C'est bien mon grand ! Mais la prochaine fois, tu feras plus vite, sache que j'aime le café chaud ! Rapporte cette tasse et file ! »
Je m'exécutai encore une fois sans dire un mot. Que m'arrivait-il à moi, qui avais toujours décidé de tout sans me laisser marcher sur les pieds ? Je n'osais rien et obéissais aveuglément à cette voix nouvelle. J'allais franchir le seuil...
« Petit ! Je pense avoir trouvé une fonction à la hauteur de vos compétences au sein de mon agence ! Je dois y réfléchir mais cela devrait faire l'affaire... Allez, dehors ! »
De retour à ma planche à dessins, je me demandais= ce que pourrait être cette première promotion auprès de Laurence Duverniers. Je n'eus que peu de temps pour rêvasser. Mon téléphone sonnait déjà, et je reconnu sa voix. Je me levai, me dirigeai vers son bureau.
Je crois que je viens de comprendre la nature de ma mission dans son entreprise...
A suivre
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